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Les lieux de mémoire du Pays de Morlaix : sur les traces de guerre 39-45

Dans le cadre d’un travail de mémoire au sujet de la Seconde Guerre mondiale et bénéficiant du financement du Département du Finistère, les élèves de 3e du collège Tanguy Prigent se sont rendus, le mardi 14 novembre 2023, sur les lieux de mémoire du Pays de Morlaix à la rencontre d’historiens, d’habitants et d’érudits locaux.

On en parle même dans la presse : https://www.ouest-france.fr/bretagne/saint-martin-des-champs-29600/des-eleves-de-3e-sur-les-traces-de-la-seconde-guerre-bb47e944-8793-11ee-b05b-89b789af0dc8

Occupation et résistance en Trégor Finistère

8h30. C’est sous la pluie que s’effectue le départ du collège en direction de Lanmeur. En traversant cette bourgade, les élèves reçoivent leur première leçon d’histoire. Ils entendent ainsi parler d’un Lanmeurois tristement célèbre : Hervé Botros. Ce milicien, proche des mouvements nationalistes bretons, est un collaborateur zélé des occupants allemands durant la guerre. Il est responsable notamment des massacres qui eurent lieu à Plougasnou durant l’été 1944. Deux monuments (Pomplaincoat et Ruffélic) commémorent la mémoire des Plougasnistes tombés sous les balles ou la torture par sa faute. Il fut arrêté après la guerre, puis jugé et condamné à mort non sans avoir essayé de fuir son passé en s’engageant dans la Légion étrangère. Premier choc : des Bretons ont donc collaborer et ont fait des leurs d’involontaires martyres.

Outre les trajectoires individuelles, il faut se rendre sur place dans les lieux qui ont marqué la région afin de comprendre cette époque trouble et ce que vivre dans une France occupée voulait dire. Il nous fallait donc dépasser le bourg de Lanmeur et nous arrêter à Kervern pour nous rendre sur le site de Saint-Fiacre. Ce site, un ensemble de bunkers et de tobrouks n’as pas a rougir face à ses cousins Normands. Il fait partie d’un vaste ensemble qui était destiné à empêcher un débarquement des forces alliées sur les côtes de la France occupée : le fameux mur de l’Atlantique. C’est pour en parler que les élèves se sont retrouvé sur la butte de Saint-Fiacre auprès d’Hervé Quéméner, ancien maire de Saint-Jean-du-Doigt et lui même originaire du hameau en question. Ils ne purent malheureusement pas admirer l’édifice longtemps : la pluie tombait dru, il fallait donc trouver refuge ailleurs. C’est sous un hangar à Convenant Malcamus (Komanan Malkamus) qu’ils trouvèrent leur bonheur. Là, Hervé Quéméner, accompagné d’un autre ancien édile, Bernard Cabon, leur fit le récit de sa jeunesse à gambader avec ses camarades d’école et ses frères à travers les dédales en béton laissé par les Allemands. Ils apprirent également que ce bunker servait de station de radioguidage pour la Luftwaffe, l’aviation allemande. Son pylône émettait des ondes qui permettait aux bombardiers anglais d’être guidé dans la nuit pour larguer leurs bombes sur le sol britannique. Ce site, lieu stratégique pour l’armée allemande, était également un promontoire formidable pour observer la côte du Trégor Finistère et surveiller l’arrivée éventuelle des navires alliés. Victime de son intérêt tactique, il fut bombardé de nombreuse fois par la RAF britannique (Royal Air Force).

Bernard Cabon d’ailleurs ne manqua pas de profiter que l’ondée s’estompe afin d’évoquer le rôle d’un autre lieu dont l’importance était capitale pour la Résistance : la plage de Venizella en Guimaëc. C’est en effet depuis cette plage que les résistants, aidés par la famille Jacob et Mercier, embarquaient ou débarquaient pour l’Angleterre ou pour la France. De cette plage a débarqué François Mitterrand dont « Jacques » était le surnom chez les résistants.

Le soleil pointant sur la côte, il était temps de se rendre en direction du Prajou, là même où avaient lieu ces opérations de débarquement et d’embarquement clandestins à partir de février 1944. Rassemblés près de la stèle commémorant ces actions héroïques, les élèves écoutèrent attentivement quelques dernières précisions offertes par Bernard Cabon, c’était l’occasion de rappeler le nom de ces hommes qui œuvrèrent et préparèrent la libération du pays à la barbe des Allemands.

Parmi les résistants célèbres pour avoir participé à la libération du Pays de Morlaix, il y avait bien évidemment Tanguy Prigent. L’ancien maire de Saint-Jean-du-Doigt, devenu ministre de l’Agriculture durant l’après-guerre, dirigeait sous le pseudonyme de « Jacques Le Ru » le maquis de Saint-Laurent. Le siège de ce maquis se situait à Plouégat-Guérrand, mais ses actions concernaient l’ensemble du Trégor-Finistère et même au-delà. Dans ce groupe de résistants se trouvaient quelques figures célèbres telles que l’impétueux Hubert Pinaton ou le docteur Le Janne, lesquels jouèrent un rôle majeur dans la libération des communes des environs comme Plougasnou, Lanmeur, Plouigneau, mais également de Morlaix en soutien à l’armée américaine.

D’autres histoires de résistance célèbre devaient accompagner les élèves durant leur déplacement. En quittant le Prajou, ils traversèrent la commune de Tanguy Prigent pour se rendre au port de Plougasnou au Diben où les attendaient les membres de l’association des Copains d’@bord. Le président de l’association des pêcheurs et plaisanciers du Diben, Raymond Martin, accompagné de Jean-René Lamanda et de deux autres membres, a raconté aux élèves ce qui s’était passé sur ce port le 18 juin 1940. C’est de là en effet qu’est parti un groupe de neuf pêcheurs et enfants à bord de leur bateau, l’« Oiseau de tempête », après avoir écouté attentivement le discours du général. Ils devaient rejoindre Londres afin de constituer les premières troupes de résistants français en compagnie des fameux Sénants. Après avoir visité les différents monuments face au port, dont le Sao Breiz qui rend hommage aux marins bretons engagés dans la Résistance, il était temps de rentrer déjeuner au collège avant la visite des lieux de mémoire du Haut-Léon.

L’été 1944 dans le Haut-Léon

La première étape du voyage se trouvait à Penzé (Peñsez). C’est en effet dans ce petit village d’estuaire que vivait autrefois la famille Le Sann, les tenanciers de l’auberge « La Bonne Rencontre ». Yvette Tanguy, la fille de Laurent le Sann qui tenait l’auberge au moment de la Libération à couché sur papier les souvenirs quelle à gardé de ces quelques jours d’été 1944 où les Américains approchaient du village.

C’était la liesse à tous les étages, les jeunes surtout attendaient l’arrivée américaine avec impatience. Ils se rendaient par groupe au niveau de Pont ar Roudour où les Américains devaient passer. Les résistants de leurs côtés s’affairaient afin d’organiser les opérations à venir. C’est pourquoi ils cachèrent des grenades et des chevaux volés aux Allemands dans l’écurie de l’auberge. Mais alors que tout le monde s’imaginait être sur le point d’être libéré, un convoi de soldat allemand approchaient. Les Le Sann, bien qu’heureux d’entendre que les Alliés étaient en chemin, eurent comme bon nombre d’habitants de Penzé l’heureuse idée de respecter le couvre-feu imposé par les Allemands durant la période d’occupation. Bien leur en a pris : une colonne de troupe allemande venant de Morlaix traversât le village durant la nuit, ce n’est qu’au petit matin que les derniers soldats allemands quittèrent Penzé. Ils se rendaient en direction de Brest par les petites routes. Le père Le Sann revint alors, le visage blême, de ses écuries qu’il avait oublié de fermer : il constata la présence de grenades, chose que les résistants ne lui avaient pas dit. Qui sait ce qui se serait passé si les Allemands avaient ouvert la porte ?

Non loin de Penzé se trouve un autre village d’estuaire : Pont-Éon. Il s’agissait donc de l’étape suivante. Une fois débarqué au niveau du moulin, les élèves revinrent sur leur pas en traversant le petit pont qui enjambe l’Eon un affluent de la rivière de Penzé. C’est là, le 8 août 1944, au sud du petit village que Marcel Rochemulet, un jeune brestois de 22 ans placé comme sentinelle par ses camarades résistants, fut tué par les Allemands de cette même colonne qui traversait quelques heures plus tôt le village de Penzé. Chargé de surveiller les allers venus sur le chemin, il croyait voir arrivés les Américains. Il vint se mettre en évidence afin de saluer les libérateurs. Fatale erreur, il fut mis en joug puis abattu par les soldats allemands. Une stèle commémore le souvenir de ce jeune résistant.

Saint-Pol-de-Léon également a connu des heures sombres au moment de la Libération. Nous avions rendez-vous avec Gilles Grall, auteur d’un livre sur les massacres commis par l’armée allemande à l’été 1944 à St-Pol afin d’en parler. C’est face à l’hôtel de ville que nous avons retrouvé l’historien local. La place centrale du chef-lieu de l’ancien évêché du Léon n’a que très peu changé depuis 1944. la plupart des bâtiments de l’époque existent toujours entourant leur majestueuse cathédrale. C’est au milieu de ce joli décor urbain qu’eu lieu le désastre. On se serait crus témoins des faits, car Gilles Grall, de par sa verve et sa parfaite connaissance des lieux et des événements parvenait à transmettre le sentiment d’effroi, de peur glacée, qui parcourait les habitants de St-Pol ce 4 août 1944.

Il expliqua la disparition d’un réseau de résistants de 18 hommes emmenés à Brest et dont Jean Grall, son grand-père faisait partie. Il désigna là le lieu où le maire un ancien officier de 39 ans, Alain de Guébriand se rendit aux Allemands, ici le lieu ou les quinze otages allongés au sol sous l’ombre de la cathédrale étaient mis en joug par les soldats, là où un jeune homme qui avait le malheur d’avoir une balle allemande dans la poche fut exécuté peu avant que le maire ne fût abattu à son tour. Il expliqua la stupeur et la crainte de l’inconnu qu’éprouvaient les otages au moment d’embarquer les mains attachées dans le dos dans la camionnette qui les conduiraient bientôt à Ploujean où ils seront fusillés par les Russes blancs, ces mercenaires de la Wehrmacht. Il montra l’arbitraire de soldats enivrés par la haine et la boisson qui prirent la vie d’hommes, de femmes et d’enfants qu’ils désignaient comme « terroriste » alors qu’ils étaient de simples innocents.

Pourquoi un tel déchaînement de violence ? Parce que le matin, les jeunes Saint-Politains avaient entendu la rumeur : les Américains approchaient, ils seraient bientôt libérés. Or, au moment où la rumeur court, les Américains ne sont encore qu’à Rennes. Dans leur euphorie, les jeunes Saint-Politains font prisonniers les Allemands en garnison dans la ville, ces derniers sont enfermés dans la mairie. Le maire et d’autres personnes âgées sentant le danger tentèrent de canaliser la fougue des jeunes qui humilièrent les vieux soldats allemands par des gestes maladroits, en les faisait défiler avec des pots de chambre sur la tête notamment. L’après-midi, une première colonne d’Allemands prêts à en découdre traverse St-Pol, ils tirent sur la population puis repartent vers Roscoff. Mais le danger est toujours là, une deuxième colonne arrive par une autre route. Cette fois-ci, ils se rendent directement à la mairie et voyant leurs camarades prisonniers deviennent fous de rage. De là commencent les arrestations. Ces soldats pour la plupart russes et ukrainiens n’attendaient plus grand-chose de la vie. Honnis dans leur propre pays, sachant que leur dernière heure était probablement proche en raison de l’arrivée des Alliés, ils n’avaient plus rien à perdre. Les Saint-Politains en firent les frais. C’est au total 44 personnes qui furent abattues par l’armée allemande en cet été 1944 à Saint-Pol-de-Léon.

C’est sur cette triste conclusion que s’achevait la journée, avec cette leçon d’histoire qui est que la mémoire de ces personnes héroïques se doit d’être honorée. Il ne faut pas oublier les crimes et les victimes tombées face à l’oppression du système nazi et maintenir cette vigilance garante des libertés acquises par le courage de ceux qui se sont battus face à la haine et l’oppression. Apprendre l’histoire c’est donc ne pas oublier, mais c’est aussi apprendre du passé des leçons de vie utiles pour ne pas réitérer les erreurs commises par d’autres autrefois.

Retenons donc une chose : qu’ils furent de simples innocents tombés sous la fureur de la guerre ou par la traîtrise de ceux qu’ils croyaient être les leurs, qu’ils furent résistants et payèrent leur courage de leurs vies, beaucoup d’entre eux se sont battus pour défendre leurs idéaux : celles des valeurs humanistes et démocrates.

A l'abri d'un hangar Bernard Cabon explique en quoi consistait les opération d'embarquement et de débarquement menés par les résistants Guimaëcois (Convenant Malcamus, Lanmeur) A l'abri d'un hangar Bernard Cabon explique en quoi consistait les opération d'embarquement et de débarquement menés par les résistants Guimaëcois (Convenant Malcamus, Lanmeur) A l'abri de la pluie à Convenant Malcamus (Lanmeur) Bernard Cabon racontant l'histoire du réseau VAR à Guimaëc (Venizella, Guimaëc) Bernard Cabon racontant l'histoire du réseau VAR à Guimaëc (Venizella, Guimaëc) Bernard Cabon raconte les hauts faits du réseau VAR (Venizella, Guimaëc) Gilles Grall désigne l'emplacement où les 18 otages sont allongés et mis en joug par les soldats Allemands Gilles Grall, Place du Petit Cloître (St-Pol-de-Léon) Jean-René Lamanda (Diben, Plougasnou) Jean-René Lamanda et l'histoire de l'Oiseau de tempête La photo d'Alain Budes de Guébriant (1905-1944) le maire héroïque de Saint-Pol-de-Léon Le massacre de l'été 1944 à Saint-Pol-de-Léon raconté par Gilles Grall Place de l'Hôtel de Ville de Saint-Pol-de-Léon Plaque explicative au Diben (Plougasnou) - 1 Plaque explicative au Diben (Plougasnou) - 2 Plaque explicative au Diben (Plougasnou) - 3 Plaque explicative au Diben (Plougasnou) - 3 Plaque explicative au Diben (Plougasnou) - 4 Raymond Martin désigne le monument Sao Breiz qui trône face au port du Diben (Plougasnou) Raymond Martin et l'histoire de l'Oiseau de Tempête Stèle commémorant les actions du réseau VAR en compagnie (Venizella, Guimaëc) Stèle commémorant les actions du réseau VAR en compagnie d'Hervé Quéméner et Bernard Cabon (Venizella, Guimaëc) Stèle de Marcel Rochemulet (Pont-Eon, Plouénan) Stèle du réseau VAR à Venizella (Guimaëc), les élèves de 3e étaient accompagné par Hervé Quéméner et Bernard Cabon Sur le parvis de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, Grilles Grall raconte l'ambiance et l'émotion des Saint-Politains le 4 août 1944 Un groupe d'élèves de 3e devant la plaque commémorative installé par les résistants eux-mêmes sur les rochers du Diben (Plougasnou) Une halte à Pont-Eon (Plouénan) près de la stèle du résistant Marcel Rochemulet abattu par les Allemands

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